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Préparation à l'accouchement

Naissance en siège : déconstruire les mythes et accompagner le choix des femmes


Ecrit le 09/04/2025 par Anaïs Dehaye, Sage-femme

L'accouchement en siège reste, à ce jour, entouré de nombreuses idées reçues et appréhensions. En effet, cette présentation suscite souvent des craintes et des interrogations tant chez les futurs parents que chez les professionnels de santé.

Environ 3 à 4 % des bébés à terme se présentent en siège, c'est-à-dire par les fesses ou les pieds, au lieu de la tête (Impey et al., 2017). Cela fait partie des variations naturelles de la naissance mais est encore souvent perçue comme un événement exceptionnel, nécessitant des mesures particulières et parfois mal comprises.

L’accouchement en siège et les options qui s'offrent aux femmes enceintes restent donc des sujets complexes. Cependant, ces dernières années, les recherches scientifiques ont évolué, offrant une perspective plus éclairée sur le sujet.

Au travers de ce billet, je souhaite aborder les options d'accouchement en siège, validées par des recherches récentes et les recommandations. L’objectif est de mettre en lumière qu’un accouchement par voie basse en siège, lorsqu'il est bien encadré et suivi de manière appropriée, peut être tout aussi sûr qu’un accouchement par la tête.

Comprendre la présentation en siège

Un bébé est dit en "siège" lorsqu'il se présente par les fesses ou les pieds, et non par la tête. De fait, il existe plusieurs types de sièges :

  • Siège décomplété en mode fesse : C'est le type le plus courant (60 à 70 % des cas), où le bébé a les jambes tendues vers le haut, avec les pieds près de son visage.
  • Siège complet : Le bébé se trouve en position assise, les jambes pliées en tailleur avec les pieds au niveau des fesses.
  • Siège décomplété en mode pieds : Une jambe est fléchie, tandis que l'autre est tendue avec un pied se présentant en premier ou les 2 pieds se présentent en premier. 

Pourquoi cette peur autour du siège ?

L'idée que l'accouchement en siège est dangereux repose sur une série de facteurs historiques et médicaux.

Historiquement, l’accouchement en siège par voie basse était courant, et les sage-femmes et obstétriciens étaient formés à cette pratique. Cependant, à partir des années 70, le développement de la césarienne et la peur des complications ont réduit l’enseignement de ces techniques (Glezerman, 2006).

Dans les années 2000, l’étude Term Breech Trial a marqué un tournant, ce qui a conduit à une recommandation systématique de la césarienne pour les bébés en siège. Cette étude, bien qu'influente, a été critiquée pour ses limites méthodologiques et ne prenait pas en compte le manque de formation des praticiens pour accompagner un accouchement en siège de manière sécurisée. De plus, le suivi postnatal n’a pas mis en évidence de différences significatives à long terme entre les bébés nés par voie basse et par césarienne (Hannah et al., 2000 ; Glezerman, 2006 ; Goffinet et al., 2006).

Les recherches menées par des experts comme le Dr. Stuart Fischbein, la sage-femme et chercheuse Shawn Walker, le Dr. Andrew Bisits et le Dr. Frank Louwen ont démontré que l'accouchement en siège par voie basse, lorsqu'il est bien encadré et suivi par une équipe formée, est tout aussi sûr que l'accouchement par la tête (Goffinet et al., 2006 ; Fischbein, 2017; Walker, 2018; Louwen, 2017).

L’accouchement en siège par voie basse ?

Contrairement à l'idée reçue selon laquelle la césarienne serait systématiquement préférable pour les bébés en siège, des études récentes montrent que l'accouchement par voie basse présente des avantages significatifs, tant pour la mère que pour l'enfant, à savoir :

  1. Moins de risques pour les grossesses futures : Une césarienne comporte des risques pour les futures grossesses, comme le placenta prævia, la rupture utérine et les adhérences. Un accouchement par voie basse préserve de ces risques (Impey et al., 2017 ; Bisits, 2017).
  2. Adaptation respiratoire meilleure pour le bébé : Lors de l'accouchement en siège, la compression thoracique naturelle aide à expulser le liquide amniotique des poumons du bébé, facilitant ainsi une meilleure adaptation respiratoire (Louwen, 2017).
  3. Récupération plus rapide pour la mère : Les femmes qui accouchent par voie basse ont généralement une récupération plus rapide et moins de douleurs après l'accouchement, en comparaison avec celles ayant subi une césarienne (Goffinet et al., 2006 ; Fischbein, 2017).

Comment accompagner un accouchement en siège ?

L'approche actuelle repose sur un principe fondamental : "hands-off the breech" (ne pas intervenir inutilement). Cette approche, défendue par le Dr. Stuart Fischbein et la sage-femme Shawn Walker, consiste à laisser le bébé descendre de manière physiologique, sans interventions excessives.

Les mouvements naturels du bébé :

Tout comme pour un accouchement avec un bébé ayant la tête en bas, un bébé en siège suit une série de mouvements naturels permettant son voyage dans le canal de la naissance :

  1. Descente progressive : Les fesses du bébé dilatent progressivement le col.
  2. Rotation externe des épaules : Le bébé effectue une rotation naturelle pour faciliter l'expulsion de ses bras.
  3. Flexion de la tête : La tête du bébé s'engage et se fléchit naturellement grâce à la pression exercée par l'utérus et la gravité (Walker, 2018).

La position d'accouchement :

La position et la mobilité jouent un rôle important lors d’un accouchement en siège. Des études montrent que les accouchements en position verticale (comme la position à 4 pattes ou accroupie) réduisent considérablement les risques de complications. En effet, ces positions favorisent un meilleur engagement du bébé et permettent une descente plus fluide, tout en réduisant les risques d'enclavement de la tête (Louwen, 2017).

Des études en imagerie par résonance magnétique ont mis en évidence que certaines positions (4 pattes ou accroupi) favorisent l'ouverture du bassin, augmentant l'espace pelvien et facilitant le passage du bébé. Ces postures permettent au sacrum de reculer offrant une progression plus fluide pour le bébé dans le canal de la naissance (Gupta et al., 2017).

D’autres recherches ont démontré que les dimensions du bassin augmentent de 0,9 à 1,9 cm lorsque la mère passe de la position en décubitus dorsal à une posture accroupie ou à genoux. (Reitter et al., 2014). En d’autres mots, l'effet combiné de la gravité et de l’ouverture du bassin par ces postures permet au bébé de se positionner de manière optimale.

Si le bébé ne se retourne pas ?

Malgré tout, des craintes peuvent rester et on peut se demander… mais si mon bébé reste en siège ?

Plusieurs options sont possibles pour l’inviter à se retourner :

  1. Exercices de postures (comme la méthode Spinning Babies) : Certaines positions peuvent favoriser la rotation du bébé comme le pont indien, la posture de l'inversion en avant (Spinning Babies, 2023). Cela peut être réalisé à la maison sous les conseils de votre sage-femme ou autre professionnel de santé afin que cela soit adapté individuellement.
  2. Acupuncture, moxibustion : Des études montrent que ces techniques issues de la médecine traditionnelle chinoise peuvent aider à retourner le bébé (Vas et al., 2009).
  3. Version manuelle externe (VME) : C’est une technique pratiquée par un professionnel de santé formé pour tenter de faire tourner le bébé en appliquant une pression sur l'abdomen. Le taux de succès varie entre 50 et 70 % (Hofmeyr & Kulier, 2012).
  4. Séance d’ostéopathie : L'ostéopathie est souvent envisagée comme une approche complémentaire pour favoriser le retournement spontané du bébé en siège. En libérant les tensions et en rétablissant l'équilibre des structures anatomiques de la mère, l'ostéopathie pourrait créer un environnement plus propice au retournement naturel du bébé. (Truffier et al., 2019)

Un savoir à préserver

L'accouchement en siège, loin d'être une anomalie, est une variation de la norme qui mérite d'être mieux compris et enseigné. Les recherches du Dr. Stuart Fischbein, de Shawn Walker, de Frank Louwen et d'Andrew Bisits montrent que l'accouchement en siège par voie basse est une option sécuritaire et bénéfique lorsqu'il est bien encadré par des professionnels formés.

Il est crucial de préserver et d'enseigner ces compétences, car chaque femme devrait avoir la possibilité de faire un choix éclairé et libre quant à la manière dont elle souhaite accoucher. La formation des nouveaux obstétriciens et sage-femmes est essentielle pour garantir que cette option reste accessible, et que les femmes puissent choisir un accouchement respectueux de leur corps et de leur bébé.

Des ressources complémentaires sur la plateforme “Breech Birth Network